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Unter den Linden vers 1930 |
Un
passage du roman « L’exposition », de J.Sexer,
dont l’action se déroule à Berlin entre 1925 et 1934.
La
première journée
de Bang à Berlin ne mériterait pas d'être ici
consignée
si ce monsieur
n'allait pas
jouer un rôle de
premier ordre dans la genèse de l’œuvre d'art qui, plusieurs
années plus tard, va préoccuper
tellement Morel,
marchand d'art,
et Hans
Schattendorf, chef
d'Action Culturelle de
Spandau.
Bang
avait pris le train de Copenhague à Edser et de là un ferry à
Rostock. À neuf heures du matin d’un jour d’octobre 1925, son
train s'arrêtait avec une secousse sous la toiture en verre de la
Lehrter Bahnhof.
Une
fois sorti de la gare, il put admirer, de l'autre côté de la Spree,
la silhouette néoclassique du Reichstag avec sa coupole
rectangulaire violacée et ses quatre tours, une à chaque coin de
l'édifice. À droite et à gauche, des trains passaient par-dessus
la rivière, des passagers venant des faubourgs faisaient la queue
pour le bus qui les amènerait à leurs lieux de travail dans le
centre ville, ou bien ils se dépêchaient en direction du S-Bahn, le
train urbain qui relie la Lehrter aux autres nœuds ferroviaires de
la capitale.
Bang
avait imaginé Berlin comme une ville sombre, toute en marron et
noir. De grands édifices imposants, dont les façades donneraient
sur des petites places, ouvertures étroites dans un dense tissu
moyenâgeux. Mais il n'y voyait rien de médiéval ; l'Unter den
Linden, large et lumineuse, des gens se promenant tranquillement sous
les arbres, assis dans les bancs publics de l'allée centrale ou
sirotant un café dans les terrasses. Un trafic intense, mais bien
réglé par des policiers de gestes précis.
Sur
un îlot-refuge au milieu de l'agitation de la Friedrichstrasse, un
homme noir en papier-mâché. Costume élégant, nœud papillon et
chapeau, les mains dans la ceinture. Avec un grand sourire, il
annonce la bonne nouvelle : "À Berlin ou à Paramaribo, je ne
bois rien que du café Schibo."
Les
signes d'un policier obligent le taxi à s'arrêter. Depuis la
Friedrichstrasse, une douzaine de demoiselles s'approchent en dansant
un cancan : de la publicité pour un spectacle à
l'Admirals-Palast. "C'est les Tiller-girls",
explique le chauffeur. "Mais", allègue Bang,
"Jackson-girls dit leur panneau". "Psss",
fait le chauffeur en haussant les épaules, "la ville est pleine
de ces girls, et il y en a toujours de nouvelles qui arrivent,
de Londres ou de Leipzig, je sais pas trop. Tout ce que je demande
c'est qu'elles ne soient pas fichues de traverser la rue juste
maintenant..."
Tout
près de son hôtel, à la Wittenbergplatz, il trouve un café :
le Schimmel. La carte propose une large variété de
boissons : café Moka, eau minérale Fachinger, vin de
Tarragone, vermouth de Cadix, Elixir d’Anvers. Mais il fait chaud à
Berlin, ce mois d'octobre 1925. Il ne choisit ni un grog d’arak ni
un Goldwasser de Dantzig :
"Ein
Bier, bitte."
Le
garçon, aux cheveux à la gomina, s'éloigne avec une inclinaison de
tête.
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