De nos jours, l’Allemagne est divisée en une quinzaine d’états autonomes, c’est bien pour ça qu’on l’appelle « République Fédérale ». Cette autonomie des régions date du Saint Empire Germanique, où l’empereur n’exerçait qu’une autorité largement nominale sur les unités territoriales qui composaient son empire. Et nous avons tous vu des cartes de l’Allemagne avant 1871 avec son puzzle inextricable de duchés, principautés et mini-royaumes qui paraît directement extrait de l’époque féodale.
Le
Reich Allemand fondé par Guillaume I à Versailles, était au fait
plus une fédération qu’un Empire, les états le constituant
demeurant des entités largement autonomes. Et cette situation se
maintient sous la République de Weimar. Au fait, ce n’est que sous
Hitler que l’Allemagne a été un état centralisé.
Quand
on regarde une carte de la RFA, on constate que tous les états, ou
länder, ont des superficies comparables. Mais si on se penche sur
une carte de la République de Weimar, on voit qu’elle était
constituée d’un colosse d’un coté (la Prusse) et d’une
vingtaine d’états qui se distribuaient le territoire restant de
l’autre. En effet, la Prusse représentait 60 % du territoire
ainsi que de la population du Reich.
Quand
je lisait dans les livres d’histoire que Hermann Göring avait été
nommé ministre de l’intérieur de la Prusse par Hitler, je ne
comprenait pas qu’il se contente de régenter une simple région.
Mais en 1933 la Prusse n’était pas une région quelconque ;
la contrôler était contrôler l’Allemagne.
Berlin
était donc doublement capitale : de la République de Weimar et
de l’État Libre de Prusse. La résidence du président de la
République était à la Wilhelmsstrasse 73 et le chancelier du Reich
recevait au numéro 77. Et où siégeait donc ce personnage
d’importance centrale qui était le chancelier de l’État libre
de Prusse ? Au 63 de la même rue. La Wilhelmsstrasse, qui
hébergeait également le Ministère des Affaires Étrangères, était
vraiment le cœur de l’État allemand. De nos jours, elle a perdu
ses institutions le plus emblématiques mais elle reste l’adresse
de quelques ministères et ambassades étrangères (dont celle du
Royaume Uni). La chancelière fédérale travaille dans un bâtiment
tout nouveau a quelques centaines de mètres du Parlement (qui avant
s’appelait Reichstag et maintenant Bundestag).
Et
qu’est-il advenu du fier État Libre de Prusse ? Si on compare
les deux cartes ci-dessus, on constate que son territoire a été
reparti entre une demi douzaine de Länder, dont
Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bremen-Niedersachsen,
Berlin-Brandenburg et Saxe-Anhalt.
Petite
histoire
Lors
de la constitution de la République de Weimar, le gouvernement
envisagea sérieusement de diviser la Prusse en petits États, mais
le sentiment traditionaliste finit par prévaloir et la Prusse devint
de loin le plus grand État de la République. Avec la
démocratisation du scrutin, il devint un bastion de la gauche.
L'incorporation du «Berlin rouge» et de la région industrialisée
de la Ruhr - toutes deux avec des majorités de la classe ouvrière -
assurait une domination de sociaux-démocrates et communistes.
De
1919 à 1932, la Prusse fut gouvernée par une coalition de
sociaux-démocrates, de catholiques et de libéraux. Contrairement à
d'autres États du Reich, la majorité des partis démocratiques n' y
a jamais été sérieusement menacée, même si le parti nazi devint
de plus en plus important vers 1930.
Otto
Braun, qui fut ministre-président prussien (Premier ministre)
presque sans interruption de 1920 à 1932, est considéré comme l'un
des sociaux-démocrates les plus capables de l'histoire. En
collaboration avec son ministre de l'Intérieur, Carl Severing, il
mit en œuvre plusieurs réformes novatrices, qui serviront également
de modèles pour la RFA. Beaucoup d'historiens considèrent le
gouvernement prussien pendant cette période comme beaucoup plus
réussi que celui de l'Allemagne dans son ensemble.
Contrairement
à l’autoritarisme par lequel elle était connue avant-guerre, la
Prusse était un pilier de la démocratie dans la République. Ce
système a été détruit par le Preußenschlag («coup d'État
prussien») du chancelier du Reich Franz von Papen. Dans ce coup
d’État, le gouvernement du Reich déposa le gouvernement prussien
le 20 juillet 1932, sous prétexte que ce dernier avait perdu le
contrôle de l'ordre public en Prusse et en utilisant des preuves
fabriquées que les sociaux-démocrates et les communistes
envisageaient un putsch commun.
Après
la nomination de Hitler comme chancelier, les nazis ont profité de
l'absence de von Papen pour nommer Hermann Göring au ministère
prussien de l'Intérieur.
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